Historique

L’historique présenté ici est un extrait de l’article : https://www.running.bzh/bayonne-1892-le-premier-100-km/

De toutes les épreuves de courses à pied organisées en France à la suite de Paris-Belfort (496 km) en juin 1892, les plus intéressantes étaient sans nul doute, St Brieuc-Brest (147 km) qui a vu deux femmes à l’arrivée et les 100 km de Bayonne, deux compétitions disputées au mois d’août.

C’est au Pays Basque que l’on doit l’organisation du premier 100 km sur route en France ; « la course nationale des 100 km » comme le titrait La Revue des sports ; 194 inscrits pour 160 concurrents sur la ligne de départ, par comparaison Paris-Belfort annonçait 840 partants pour 379 classés et St Brieuc-Brest 269 partants, 120 arrivants. Il y avait donc un réel engouement pour ces premières courses à pied longues distances.

Ce même dimanche 7 août il y avait aussi une cinquantaine de participants sur les 42 km entre Quimperlé et Lorient.

Dans les Pyrénées le parcours était le suivant :

Départ place d’Armes à Bayonne ; Ustaritz (13 km), Cambo (20 km), Espelette (24 km), St Pée (33 km), Sare (40 km), Ascain (47 km), Olhette (53 km), Béhobie (59 km), Hendaye (62 km), Urrugne (68 km), St Jean-de-Luz (74 km), Guéthary (81 km), Bidard (87 km), Biarritz (91 km), Anglet et Bayonne, soit 100 km.

Cette épreuve était réservée aux Français, inscription 2 francs qui seront remboursés à tous les coureurs arrivés à Bayonne, gratuit pour les militaires.

Le départ est donné le samedi 6 août à 19h30 aux 160 coureurs, parmi eux des Basques coiffés de leur béret et armés de leur bâton, des coureurs revêtus de costumes les plus dissemblables, et les inévitables hommes- vapeur, éclair, etc…costumés en rouge, en vert, avec des fouets à la main et des grelots à la ceinture.

Le public venu en nombre à Bayonne souhaitait voir un Basque vainqueur. Les hommes de la région avaient la réputation d’être des coureurs endurants.

« Les premières références aux coureurs basques datent du début du 16e siècle. A cette époque, en Angleterre, en France et sans doute en Espagne, il était commun pour les aristocrates d’employer des coureurs à pied pour porter les messages ou pour courir à côté de leurs calèches. En France ce rôle était tenu habituellement par des coureurs basques, ce qui a donné naissance au proverbe « courir comme un Basque » (courir vite et longtemps) …  

Dans Rabelais, Grand Gousier envoie : « le Basque, son laquais, rapidement à la recherche de Gargantua » (fils de Grand Gousier) … 

Selon un auteur de la fin du 16e siècle « on trouve dans la région du Béarn, des laquais qui sont les meilleurs coureurs que l’on puisse trouver » … 

En 1566, un laquais du vicomte François-Armand de Polignac a couru du Puys à Paris aller et retour, environ 800 km en sept jours et demi…. 

Ce n’est peut-être pas une coïncidence si à Reims en 1592, pendant le règne de Henri IV, roi de France originaire du Béarn, s’est déroulée une des premières courses à pied dont la distance était de 82 km… »    

L’ultra-endurance au Pays Basque par Andy Milroy, traduction Steve Sulaski

 

A Bayonne c’était donc le premier 100 km sur route, cependant lors du récent Paris-Belfort, Jules Butelet était passé le premier au 100e km en 12 h 30 min, cette performance dûment enregistrée constituait alors le meilleur chrono français sur 100 km.

Jules Butelet a terminé Paris-Belfort à la 76e place, il était boulanger à Maromme près de Rouen.

Le record du monde était détenu par l’Anglais Georges Littlewood ; 7 h 50 min 40 s le 24.11.1884 à Londres, Westminster Aquarium (indoor) pour 62 miles (99,758 km) et 8 h 00 min 00 s pour 101,227 km.

Dès le départ trois coureurs prennent la tête dont le nommé Paillet de Limoges, ils ont pris une bonne avance sur leurs poursuivants, les contrôleurs à bicyclette ont du mal à les suivre, surtout dans les montées. Charles Terront lui-même, le vainqueur du premier Paris-Brest-Paris, qui suit les concurrents à bicyclette est abasourdi par la vitesse des coureurs dans les cols et dans les descentes.

De 1885 à 1892 Charles Terront a tenu un commerce de cycles à Bayonne. En 1893 il s’installait à Rouen où il ouvrait un commerce de cycles et d’automobiles.

Les vingt kilomètres qui séparent Bayonne de Cambo sont parcourus à belle allure, le soleil commence à chauffer. Après Cambo, station thermale arrosée par la Nive, les coureurs passent à Espelette, puis St Pée, Sare et ses curieuses grottes, le petit village d’Ascain, mais les concurrents ne font pas de tourisme et ne s’attardent pas à Urrugne ni à Béhobie, le village frontière près duquel est située l’île historique des Faisans, puis Hendaye où un contrôle fixe est installé.

Paillet est toujours en tête avec une bonne avance sur les autres coureurs, après un bref repos à Hendaye il repart pour St Jean-de-Luz où il arrive à 11 heures. Le contrôle de la course avait été installé dans le château où Louis XIV séjourna lorsqu’il vint épouser l’infante Maris-Thérèse.

Au moment de l’arrivée de Paillet à Saint-Jean-de-Luz, le jardin qui se trouve derrière la demeure du roi-soleil est plein d’une foule de baigneurs et d’habitants qui se pressent autour du champion limousin pendant qu’il signe le registre de contrôle. Sans prendre de repos il se remet bien vite en route. A Biarritz, l’avance qu’il a est conséquente et il ne devait plus être rejoint. Les quatre kilomètres qui séparent Anglet de Bayonne sont franchis par Paillet entre deux haies de spectateurs qui applaudissent et encouragent le futur vainqueur.

A 14h15, il signe enfin au contrôle d’arrivée ayant parcouru les 100 km en 11 heures et 15 minutes d’un parcours particulièrement accidenté. Il améliore de plus d’une heure le record de Jules Butelet.

Bien qu’un peu désappointés en voyant que la victoire ne revenait pas à un des leurs, les Bayonnais ont chaleureusement reçu Paillet dont l’état physique était satisfaisant. Une heure plus tard ce n’est pas un Basque mais un Breton qui arrivait deuxième ; Le Scaon, de Lorient, plusieurs concurrents arrivés ensuite ont été disqualifiés par les commissaires de course pour avoir pris des voitures ou des raccourcis. La place de troisième est donc revenue après ces disqualifications au Bordelais Filet, qui comme Paillet avait pris le départ de Paris-Belfort. Le premier Basque est Garmendia, de Biarritz, arrivé quatrième.

Un drame s’est produit peu après le départ : « Après avoir parcouru quatre kilomètres, un des concurrents M. Latatère de Bayonne, élève en pharmacie âgé de vingt-sept ans, pris d’un malaise fut transporté à l’hôpital où il décédera » 

« La chose est très fâcheuse et même déplorable ; cependant il fallait s’y attendre. Dimanche à Bayonne une course à pied de 100 km avait été organisée, l’un des concurrents est mort de fatigue et de chaleur, deux autres sont dans un état d’accablement que l’on conçoit pour eux de très sérieuses craintes, enfin plusieurs coureurs ont été contraints d’arrêter frappés d’insolation ou brisés de lassitude par cet excès de marche……Le même dimanche une autre course à pied était organisée en Bretagne de Quimperlé à Lorient et retour, 42 km. * Le gagnant est tombé mort après avoir absorbé une boisson rafraîchissante ; les autres coureurs ont terminé dans un état lamentable…Survenus le même jour ces deux si tristes accidents causent une vive émotion dans le public… Cette année surtout, les courses à pied ont été l’objet d’un enthousiasme irréfléchi autant que ridicule. Le vainqueur de Paris-Belfort a été accueilli par des ovations insensées, son nom a même dépassé les frontières avec autant de bruit qu’un personnage illustre…. Les meilleurs jeux ne sont pas ceux qui durent trop longtemps, le public s’est amusé un peu avec les courses pédestres, il est temps de passer à d’autres distractions moins dangereuses… »

 L’univers, 10 août 1892

Fausse nouvelle, même si un décès était à déplorer à Bayonne, il n’y eut aucun mort à Lorient.

Le journal régional faisait encore plus fort :

« A l’issue de la course à pied de 100 kilomètres organisée à Bayonne, trois des coureurs qui ont pris part sont morts à l’heure actuelle, de nouveaux décès sont à redouter, en tout cas bon nombre d’entre eux sont très malades.

Devant ces déplorables événements… nous devons féliciter M. le ministre de la guerre d’avoir interdit aux soldats de prendre part à ces concours… »

Classement des 100 km de Bayonne : (le nombre d’arrivants n’est pas connu)

Le vainqueur, Paillet, âgé de 28 ans, était peintre portraitiste à Limoges. Il participa à Paris-Belfort où il passa le premier à Château-Thierry au 84e km en 9 h 05 min. Il n’a pas terminé cette épreuve

Quant au Lorientais : « Un défi vient d’être lancé entre un cavalier montant la jument Pomponne et Louis Le Scaon, 2e des 100 km de Bayonne, sur la distance de Paris au Havre et retour soit 426 km. »

 Le Petit Journal, novembre 1894

On peut considérer que 1892 est l’année de l’émergence de la course à pied populaire en France ; Le premier « ultra » Paris-Belfort, 496 km en juin. Le premier 100 km ; Bayonne en août. Le premier 24 heures à Neuilly au stade Buffalo en septembre. …

Après les 100 km de Bayonne, peu d’épreuves de cette distance ont été organisées en France.

En mars 1894 un 100 km à Paris au Champ de Mars, vainqueur Pierre Ewertz en 12:05:30. En 1902 un 100 km à Neuilly sur circuit de 2 km ; Émile Anthoine 11:22:09, c’est à peu près tout jusqu’à la guerre 14-18.